le tueur de cochon
Ma mère raconte :
" On avait un cochon qu'on aimait beaucoup, nous les enfants. Il était très intelligent. On le nourrissait de châtaignes et on l'accompagnait matin et soir, de l'enclos où il passait
ses journées à la soue où il dormait à l'abri. "
-Pour pas qu'il est froid ?
- Oh non, tu sais bien qu'à Champbajour il fait jamais trop froid. Dans notre coin, il y avait des voleurs de cochons, on ne pouvait pas le laisser passer la nuit dehors on nous l'aurait
volé.
Nous étions bien tristes quand arrivait le tueur.
- Ah parce que c'était pas pépé qui tuait le cochon ?
- Non c'était "le tueur " comme on l'appelait. Il arrivait le matin. Heureusement qu'on n'assistait pas à la scène. On était à l'école ou dans les champs. Quand on rentrait notre ami le
cochon avait disparu.
En échange de ses services, le tueur choisissait la meilleure part et mon père lui donnait quelques sous en plus. Il y avait dans sa maison plus de parts de cochon que
dans celles de tous les habitants de Champbajour réunis car il passait dans toutes les maisons du hameau pour tuer. Il allait
même dans les autres villages.
-Tu es sûre qu'il n'était pas charcutier votre tueur de cochon ?
- Non tout le monde le connaissait, il n'avait pas de charcuterie. Enfin si tu veux, c'était un charcutier sans charcuterie. Sa maison regorgeait de lard de boudins et de
saucissons à ne pas savoir qu'en faire pour lui et sa famille. Les gens venaient acheter chez lui.
Ou comment je découvre que ma mère n'a jamais assisté à la mort du cochon alors que moi, qui vivait non pas dans une ferme mais près de chez un charcutier, même si je n'ai jamais
assisté à la scène j'ai encore en mémoire les cris de souffrance terrifiants du cochon qu'on tue.